qui s'en soucie ?

hiver 2017/2018

petite mise à jour en fin de texte 

Voilà un titre qui peut vous interpeller et c'est un peu le but (mea culpa)

L’idée n’est pourtant pas de culpabiliser, loin de là, mais juste d’accorder une vraie pensée, si c’est possible, aux sans-abris qui souffrent et ce d’autant plus en période hivernale, et par le froid glacial qui sévit (quand ce ne sont pas des inondations).

Je vous propose une contribution de Coralie, ma nièce et filleule, qui au cours d’un échange, m’a dit les pensées qu’elle avait pour les SDF, les sachant perdus, sans le sou, sans famille et sans toit, dans la rue.

J’avoue que le sujet était proche de mes pensées car j’ai moi-même rencontré des SDF à qui j’ai parlé voilà quelques mois, quand le temps était plus clément, mais les SDF, eux, étaient déjà dans la rue et une bonne partie l'est toujours, malheureusement.

Nous avons décidé avec Coralie de faire un petit « mémo » et on s’est réparti les rôles. Coralie rédige la « théorie », c’est-à-dire ce qu’elle sait des SDF et elle expose son point de vue selon qu’il s’agit de l’hébergement, l’hygiène ou encore l’alimentation, on aurait aussi pu ajouter la santé. Mais les trois premiers points, par ces temps hivernaux, sont essentiels car comment préserver un minimum de santé si déjà :

-          vous n’avez pas de toit,

-          vous ne pouvez pas rester propre

-          et ne mangez pas un minimum chaque jour.

Voici donc la contribution de Coralie ci-dessous « les SDF (sans domicile fixe) »

Je reviendrai ensuite vers vous pour décrire quelques rencontres et faire part de mes propres réflexions. Une façon de dire aux SDF que nous pensons à eux. Et personnellement, je n’hésite pas à leur parler, au minimum leur dire bonjour avec un sourire et quelques fois (mais pas toujours) glisser une pièce de monnaie selon mon cœur ou ce qu’en dit mon porte-monnaie lui-même !

Les SDF ou Sans domicile fixe

Saviez-vous que le SDF n'est pas nécessairement une personne qui vit dans la rue ? Pour L'insee (Institut national de la statistique et des études économiques), les personnes sans domicile fixe peuvent être sans-abri, mais elles peuvent aussi vivre dans des habitations de fortune, en hébergement collectif, dans des hôtels ou en logement associatif à titre temporaire.

En France, ==143 000== personnes sont déclarées SDF (stat. 2017).

Entre le 1er janvier et le 14 février 2018, au moins 48 personnes SDF sont décédées. Leur décès n’est pas seulement lié au froid mais aussi à des maladies non prises en charge, suicides quand ce ne sont pas des homicides.

L’aide mise en place

Sur le plan du logement :

Il y a des centres d’hébergement, c’est vrai mais pas assez de places. Saviez-vous que dans un centre d'hébergement, un sdf est admis pour une durée de 15 jours, et ne peut refaire une demande que 15 jours après sa sortie du centre. 

Mon point de vue :         

Des bâtiments sont pourtant inoccupés, non entretenus au point de tomber en ruines. Pourquoi ne pas les utiliser pour en faire des chambres. L'Etat n'a-t-il pas l'argent ou nos gouvernants sont-ils trop occupés à autre chose, comme : ramener la limitation de vitesse à 80km/h, augmenter le prix du tabac ? Quelle est la priorité face à des personnes démunies, qui mettent leur propre vie en péril ou en tout cas, au minimum leur santé, sans parler de leur intégration au sein de la société.

Sur le plan de l'hygiène

C’est un sujet tabou pour eux. Les structures d'accueil mettent à disposition des douches et des toilettes, leur permettant quand ils peuvent y avoir accès, de consacrer un peu de temps à leur hygiène (pour le respect de sa propre personne). Mais pour ceux qui n'ont pas envie de se rendre dans un centre, que peut-on faire ?

Mon point de vue :

Comment font ces personnes qui n'ont pas envie d'aller au centre ? ou ont simplement des difficultés à accéder au centre le plus proche car situé tout de même à plusieurs km, sans facilité de transport ?

Le laissez-aller et la négligence prennent le pas, d’autant plus facilement que la personne est déjà en situation de vraie détresse.

Des camions gérés par les services sociaux ou des associations caritatives font le tour des villes pour leur apporter de la nourriture, alors pourquoi ne pas équiper ces camions d’une ou deux douches dont l’utilisation pourrait être proposée à ceux qui le souhaitent. Mais c’est vrai que l’idée de prendre une douche quand (excusez l’expression) « on se gèle dehors » pendant des heures et même des jours avec la pensée de retourner dans le froid glacial sitôt après la douche, pas sûr que celle-ci, même bien chaude, soit une perspective qui réjouisse, sauf à aimer faire comme les nordiques, sortir d’un bain chaud et se jeter tout nu(e) dans la neige. Mais voilà, nos SDF ne sont pas nordiques (sauf avis contraire). Enfin… ça vaut d’y réfléchir à la douche dans le camion et pas… au bain de neige après la douche :=) petit sourire pour rendre la situation un peu moins triste.

Sur le plan alimentaire

Il y a des centres où les SDF peuvent se restaurer, avoir accès à des boutique solidaires pour y faire des achats avec les quelques sous qu’ils ont en poche. Des maraudes ou des bénévoles leur apportent des soupes, boissons chaudes, des conserves ou gâteaux secs...

Des repas sont distribués par la Croix Rouge Française mais pour la plupart du temps dans les grandes villes. Qu’en est-il des villes plus petites ? est-ce à dire que les SDF ne sont que dans les grandes villes ? c’est sans doute là qu’on les retrouve en plus grand nombre, c’est vrai mais ne pas oublier tout de même que si la misère se montre moins dans les petites villes, ce n’est pas pour autant qu’elle n’existe pas.                             

Mon point de vue :

Il faut davantage sensibiliser les gens au gaspillage et à la collecte des invendus de nourriture des magasins. Combien d'entre nous jettent un morceau de pain à la poubelle, sans y penser, ou plutôt en se disant : « bah, j'irai acheter une baguette bien fraiche pour ce soir ».

Pensez-vous que la personne dehors négligerait ce petit bout de pain de la veille ?

Ne sommes-nous pas (Etat et ménages Français compris) quelques fois insouciants ou négligents même involontairement ?

Pourquoi ne pas réfléchir à mettre en place une organisation pour que les surplus de nourriture soient mieux récupérés pour en faire bénéficier davantage ceux qui en ont besoin.

L’avantage ? ce n’est pas seulement que la personne qui recevra la nourriture sera bien heureuse d’en profiter pour manger mais en plus elle se sentira plus et mieux soutenue, comprise et pourra aussi se sentir le droit de penser à autre chose le temps de la distribution. Pour la personne aidante, la satisfaction de faire quelque chose de bien en donnant ce qu’elle n’a pas utilisé dans son propre foyer. 

Les Français sont généreux, l’activité des associations le prouve. Aidons les SDF, n’y soyons pas insensibles ou indifférents en pensant que « ça ne m’arrivera pas à moi » ! pourquoi juger ?

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Pour ma part, lors de mon retour en France et alors qu’il faisait encore beau, j’ai eu l’occasion de marcher de me promener dans les rues de ma ville pour réaliser ou découvrir combien étaient nombreux les SDF, j’utilise ce sigle même si, comme l’explique Coralie, tous ne sont pas systématiquement sans un vrai abri au moins pour la nuit. Rester dehors quand il fait doux n’est certes pas confortable ni agréable, mais en plein hiver et par un froid polaire, c’est la vie d’une personne, en l’occurrence un être humain, qui est en jeu.

Mais pour revenir à ces jours plus cléments, je me suis demandé comment ils pouvaient être si nombreux, accompagné(e) d’un chien et d’un(e) ou deux ami(e)s, partageant leur « galère » en commun, sans doute.

Il s’agit, même en période clémente sur le plan du climat, d’une expérience risquée. Pourquoi, comment en arrive-t-on là ? quelle galère personnelle et/ou familiale vit-on pour se retrouver à la rue ? est-ce un choix délibéré ? un concours de circonstances ? un peu tout cela ?

Se retrouver dans la rue peut-il être aussi perçu comme un « appel à l’aide » de celui/celle qui s’expose au vu et su de tous (mais souvent loin de son lieu de vie habituel). Ces personnes ne recherchent-elles pas, au-delà de la pièce de monnaie demandée (pour rester propre et manger chaud..) un appel à l’attention sinon à l’aide, à la bienveillance alors que le regard du passant se fait fuyant, ce regard que l’on refuse quand pourtant on glisse une pièce de monnaie comme pris en défaut ? en défaut de quoi ? de bienveillance ? ou par crainte d’accrocher le regard de cette personne SDF qu’on préfère ne pas croiser car il met mal à l’aise.

Ne vaudrait-il pas mieux une solidarité pour non pas seulement donner discrètement une pièce de monnaie mais prêter attention, écouter, échanger, démontrer à celui/celle qui est dans la rue qu’il existe, qu’on le voit et lui prête attention, qu’il existe encore et toujours en sa qualité d’être humain à part entière même pauvre, même triste, même.. sale ! il/elle a toujours sa place dans notre société, qu’il lui revient aussi de décider d’y revenir ou d’y rester car il/elle y est toujours « accueilli/e » à part entière, comme attendu(e). On peut en profiter pour rendre hommage à ceux qui sont sortis de la rue et souhaitent aider ceux qui y sont encore car ils savent ce que c’est. Voici un lien sur une initiative lyonnaise (journée de solidarité SDF) en janvier :

https://www.20minutes.fr/lyon/2199687-20180110-lyon-ancien-sdf-lance-journee-solidarite-venir-aide-abri

Du moins devons-nous nous avoir conscience que le/la SDF ne souffre pas d’une maladie contagieuse inhérente à sa situation et qu’il/elle est donc tout à fait « fréquentable » et membre à part entière de notre société.

Voici maintenant le récit de quelques rencontres que j’ai faites et échanges que j’ai eus avec précisément ces personnes hommes et femmes, SDF, à l’automne dernier :

 -          une jeune maman (20aine d’années ?) avec un bébé de quelques mois dans un landau. Elle m’a demandé quelques euros pour acheter des couches pour le bébé, expliquant qu’elle avait dû s’éloigner de sa résidence habituelle (autre département) pour fuir un mari violent. Elle avait aussi une petite fille de 3 ou 4 ans qu’elle devait aller chercher à l’école. Elle semblait bénéficier d’allocations mais ses ressources étaient insuffisantes pour joindre les deux bouts. Disait-elle vrai ? j’imagine qu’on ne fait pas la manche pour le plaisir. Elle était et heureusement apparemment prise en charge socialement. J’espère que depuis ses soucis sont résolus.

-          Une jeune femme (30aine environ), venant aussi d’un département voisin. Fille unique, parents décédés, entreprise fermée brutalement. Elle était venue à Nantes pour élargir ses recherches d’emploi et venait de décrocher un CDD de soudeur (pas très habituel pour une femme), elle semblait positive pour obtenir le renouvellement de ce CDD et par la suite, si « tout allait bien » décrocher le sésame = CDI. Mais voilà, pas de travail, pas assez de ressources, pas de logement. Elle était donc dans la rue, appelait le 115 pour un hébergement. Elle patientait pour obtenir des indemnités suite à son licenciement. Elle m’a expliqué la situation avec beaucoup de simplicité et dignité. Et je n’ai pas douté de ce qu’elle me disait.

Ces deux jeunes femmes croisées dans le rue ne pouvaient donner l’impression d’être SDF sur la base de leur apparence.

-          Une troisième femme, plus âgée (40aine ?), semblait plus désemparée. Elle était assise légèrement courbée, sur les marches d’une église, m’expliquant qu’elle était en « rupture familiale » et souffrant d’une maladie qu’elle n’a pas détaillée. Elle était très visiblement sans le sou et à la rue, restant pourtant elle aussi digne, sans se plaindre plus que nécessaire, heureuse de parler, expliquer. J’ai compris que notre échange lui avait permis quelques instants de se sentir moins seule, moins « ignorée ».

 -          Dois-je aussi compter ces trois jeunes gens qui m’ont abordée timidement pour « une pièce de monnaie » : pas simple de demander ? et ces quelques autres avec un ou deux chiens, assis sur le sol, qui n’auraient pas refuser la « pièce de monnaie » mais ne l’ont pas demandée.

 -          Ou encore, cet autre jeune homme (20aine tout au plus) venant lui aussi d’un autre département (les grandes villes étant aussi sans doute plus anonyme que les petites villes ou le village où tout le monde vous connaît). En rupture familiale lui aussi, expliquant qu’il « était un peu fâché avec ses parents ». Il « squattait » quelque part et n’avait manifestement pas d’argent ou si peu ni apparemment aucune idée de la façon dont il allait s’en sortir (retourner chez papa-maman ? pas simple à 20ans j’imagine ?)

Et tout cela en quelques jours de promenades automnales et citadines. On ne peut s’empêcher de se poser des questions sur cette pauvreté visible, partie émergée d’un iceberg car pour autant de SDF, combien d’autres vivent avec encore un toit au-dessus de leur tête mais avec difficultés, ne sachant comment ils boucleront leurs fins de mois, paieront le loyer pour préserver le logement avec un travail mal payé quand en plus il est partiel.

Voilà plein de questions et peu de réponses. Il est bon de responsabiliser chacun mais il ne faut pas tomber non plus dans l’attitude inverse consistant à penser que ceux qui vivent mal se sont « mal débrouillés » et quelque part sont bien responsables de ce qu’il leur arrive. Si c’était si simple !

Voilà donc quelques réflexions qui ne changeront pas la situation des SDF mais si cela peut simplement amener à y penser et regarder les SDF dans le rue d’une façon différente et quand je dis « regarder » c’est « les yeux dans les yeux » avec bienveillance et un sourire, comme pour leur signifier « je vous vois, je vous respecte et je compatis, vous existez dans la société, je ne vous ignore pas ». Et si en plus vous échangez quelques mot avec eux, pour ne serait-ce que parler, alors ils existent vraiment et quelque part l’espoir renaît et l’envie « d’en sortir » avec ??? pourquoi pas…

petite mise à jour (nov 2018) :
Alors que je marchais pour rejoindre ma station de tram, j'ai croisé dans la rue un homme en fauteuil roulant, que j'avais déjà vu 2 ou 3 fois auparavant, se déplaçant sur la même portion de rue, à proximité d'un bureau de tabac/presse.
Ce jour-là, il faisait assez frisquet et venteux, je l'ai croisé et nos regards aussi : la quarantaine, visage émacié mais souriant, sourire légèrement édenté, un petit quelque chose dans le regard, comme un sourire, je me suis arrêtée, nous avons parlé, il m'a demandé "une pièce" car il n'avait guère d'argent et son chat (resté à la maison) n'avait rien à manger. Il était bien hébergé chez des (supposés) "amis" (à qui en des temps meilleurs il avait rendu service), pourtant il m'explique qu'il préfère largement rester dehors que d'être "là-bas".

Au fil de la conversation, j'ai remarqué qu'il tremblait (de froid?), je lui ai proposé de rentrer "chez lui" ou de se mettre à l'abri sous ce qui servait de "préau" au bureau de tabac, il m'a expliqué qu'il n'était pas bien accueilli par les propriétaires et restait donc sur le trottoir (en plein vent). Je lui ai donné une pièce (2€) à "partager avec le chat" et comme je m'éloignais, il s'est risqué à me demander un "bisou", assuré que je refuserais ? peut-être... mais j'ai fait demi-tour, me suis approchée de lui pour lui donner une accolade, il a enfoui sa tête au creux de mon épaule et j'ai senti un sanglot monter dans sa gorge... difficile de rester insensible..
je me suis écartée de lui, nous avons ensemble repris nos esprits et avons continué un moment d'échanger : lui de m'expliquer qu'il faisait tous les "papiers" nécessaires pour se sortir de ce mauvais pas. Ce bref échange un peu intense a paru lui faire du bien. Je l'ai quitté par une poignée de mains chaleureuse et... le coeur gros j'ai repris mon chemin vers la station de tram.
Plus tard, dans la journée sur le chemin du retour, je ne l'ai pas revu.. ni depuis.. mais j'espère que ce bref échange lui a redonné un peu de chaleur et d'espoir.. celui de compter encore dans notre société.. du moins assez pour se dire qu'il peut garder assez de courage et confiance en lui et en l'autre... jusqu'à une autre prochaine rencontre qui le fera avancer encore un peu.. du moins j'espère...