Avenir du monde et migrations

Novembre 2019 - relu juin 2021

- je (re)découvre ce post rédigé il y a un an (octobre 2018) et je m'aperçois qu'il n'a pas pris une ride..-- dommage 🤨 non pour moi mais plutôt pour notre planète et notre société..

je vous livre le lien d'un article intéressant. 
https://www.liberation.fr/debats/2018/10/15/le-migrant-est-l-avenir-du-monde_1685420

de B. BADIE, professeur Universités IEP Paris.

je vous confie mes commentaires, impressions.. et vous retrouverez à suivre l'intégralité de l'article si vous avez des soucis à le télécharger à partir du lien ci-dessus.

2 points que je relève particulièrement dans cet article :

1er :
"Le débat sur la migration est stupéfiant et pourtant il dure, s’enlise et même s’encastre dans l’ordinaire de notre culture politique contemporaine. Il paralyse l’Europe qui en parle tout le temps, mais n’en délibère jamais. Il envahit les propagandes partisanes et s’impose comme une sorte de friandise électorale dont se délectent les populistes de tous poils, de droite et maintenant d’une certaine gauche"...

2ème : 
 "Une gouvernance mondiale de la migration doit ériger un édifice institutionnel offrant un optimum d’avantages aux trois partenaires essentiels : migrants, sociétés de départ, sociétés d’accueil... Il doit créer des agences partout dans le monde pour concrétiser cet effort d’information, de formation, d’orientation et d’intégration qui sont le cheminement normal de la mobilité humaine au cours de ce troisième millénaire"

Sur le premier point, comment ne pas être d'accord avec M. Badié (ndrl : en 2020, autant dire que tout cela relève de l'actualité brûlante)

Et sur le deuxième, on peut admettre tout à fait qu'il doit y avoir une concertation à trois : migrants Vs société de départ et accueil et cela est en effet très cohérent.

Et je me demande :

- est on ou faut il être "populiste", si tant est que ce mot ait du sens, pour s’autoriser à penser, pardon... à réfléchir à des solutions qui donneraient leur chance à ceux qui migrent =par obligation et pas par caprice ou lubie= d'être en mesure de rester dans leur propre pays, leur cadre de vie habituel, entourés de leur famille, amis, environnement mais qui sont contraints à l'exil pour des raisons climatiques, situation de guerre, économique, sanitaire,... Faut il être populiste, a fortiori de gauche, pour s'octroyer le droit de réfléchir aux raisons profondes qui conduisent à cet exil contraint ?

Distinguons deux types de migrations : 

Ceux qui migrent par choix et le font dans un cadre préparé, organisé : cursus étudiant, professionnel, vie personnelle et familiale. Certes des règles existent auxquelles il est toujours permis de réfléchir pour les améliorer même si la perfection n’existe pas et c’est en cela d’abord que, outre Schengen, Frontex existe (au niveau Européen sauf erreur). Mais Frontex a-t-il été conçu et organisé pour répondre à la « crise migratoire » ? j’en doute.

Pendant que les autres qu’on appelle « migrants » car clandestins, montent à bord de rafiots troués sans être sûrs de pouvoir rejoindre l’autre côté de la Méditerranée, engagent avant même leur départ une dette telle qu’ils ont déjà mis une hypothèque sur leur avenir auprès de passeurs profiteurs, lesquels sont basés dans des pays financés notamment par l’Europe pour « parquer » les migrants et les retenir "à quai" à défaut de pouvoir les empêcher d’aborder les côtes européennes.

M. B Badié rappelle une réalité : « la part des populations migrantes n’est passée, en un demi-siècle, que de 2,2% à un peu plus de 3% de la population globale, sachant, en outre, que les migrations Sud-Nord ne représentent qu’un tiers des migrations totales ! » et on peut concevoir que cela paraisse... dérisoire ? enfin pas tout à fait...

Mais voilà, il est vrai que les migrants clandestins du moins, arrivent « sans tambour ni trompette » (ou presque) et en fonction des circonstances ou d'évènements militaires, climatiques, économiques.., et par vagues, c’est le cas de le dire et seulement si et quand ils ont la chance d’atteindre la côte.

Il est alors bien délicat de les accueillir convenablement alors que :

- Ils n’ont pas prévenu qu’ils arrivaient : ne sont donc pas "attendus"

- une « chambre » ne leur est pas réservée

- on ne sait même pas quel est leur nombre sans parler de leurs besoins (bébé, enfants, ado, adultes, femmes (enceintes ou non), hommes : jeunes ou vieux, malades…

- on peut tout au plus anticiper la nature des soins immédiats à leur prodiguer

Il faut ensuite envisager leur séjour sur une période prolongée et toutes les conditions nécessaires à un séjour organisé dans des conditions décentes, donc "humaines"... et voilà un challenge sur lequel l'environnement international (Europe comprise) est divisé et très égoïste, c'est aussi pour cela que c'est un défi pour ceux qui sont en première ligne pour accueillir les  migrants et qui le font dans un souci d''humanité en priorité (#aquarius) :

- Comment d'abord les sauver puis les accueillir ? où ? dans quelles conditions ? à quel prix ? pour combien de temps ?

On ne peut donc gérer cette migration de la même façon que celle qui est organisée, planifiée dans le cadre d’un projet personnel, c’est évident.

Certes nous vivons à l’heure de la "mondialisation" mais ce mot galvaudé ne veut plus rien dire tellement on le met à toutes les sauces lui donnant les qualités ou les défauts selon le point de vue que l'on en a, c’est bien d’ailleurs ce que dit M. Badié.

Je suggère donc de remiser au placard les mots "mondialisation" et "populisme" qui ont perdu tout sens et dont plus personne ne sait bien ce que veulent dire et exprimer ces deux mots devenus "fourre-tout".

Donc, oui le migrant est l'avenir du monde, mais tout simplement parce que les migrations ont toujours existé. Prenons en compte toutefois que la planète à l'aube du 3è millénaire avec 7Mds d'humains n'a plus le même visage ni la même réalité qu'à l'époque où Lucie (Australopithèque) est venue au monde.

Et si comme le dit B Badié « Un monde où chacun des 7 milliards et demi d’humains est comptable autant que solidaire de tous les autres. » reconnaissons que la diversité des situations permet difficilement une solidarité « naturelle »

A l'aube du 3ème millénaire nous affrontons une ou plutôt plusieurs "réalités" :

- un défi climatique majeur,

- une financiarisation de l'économie qui menace à tout instant de nous exploser à la figure,

- des avancées biosciences et biotech hors de contrôle ou du moins c’est l’impression qui est donnée et je ne pense pas que ce soit loin de la vérité. Ces avancées vont transformer l'humanité mais dans quel sens et avec quelles conséquences ? qui le sait et/ou veut bien le dire avec franchise ?

Mais on sait d’ores et déjà qui en seront les premières victimes : les plus faibles, les plus pauvres quelque que soit le pays ou le continent concerné(s).

N'est-ce pas d'ailleurs toujours ainsi que la planète a toujours  "tourné", sinon y aurait il jamais eu de guerres, de colonisations et autres catastrophes ayant d’ailleurs déjà conduit à des changements majeurs que ce soit climatiques, politique, religieux, économiques, etc.. ? n’est ce pas ainsi que tourne le monde et que va la vie ?

Ces 2 derniers millénaires ont-ils été un long fleuve tranquille ?

Non assurément et le siècle dernier n'a pas fait exception (2 guerres mondiales sans compter tous les autres conflits), est ce mieux qu'une guerre de 100 ans, une  épidémie de peste, et que sais je encore..

Il me semble que dans son article, M. Badié fait appel aux « bons sentiments » et/ou à la « bonne conscience » ou encore "bonne gouvernance" pour et par chacun(e), chaque pays, chaque organisation/organisme, entité politico-économique et internationale.. Et pendant ce temps, deux niveaux de conscience s’affrontent :

- la conscience individuelle : l’individu est sans doute plus enclin (par facilité ?) à chercher des poux dans la tête de son voisin (migrant ou non) pour expliquer ses propres malheurs qu’à rechercher des causes et donc des solutions plus larges prenant en compte ses intérêts incluant aussi ceux de son voisin (migrant ou pas), ce qui ouvrirait la voie à une vraie solidarité mais on n'en est pas là, du moins trop souvent...

- la conscience « mondialisée » détenue, entretenue par des gouvernants encadrés par des entités financières qui elles n’ont déjà plus rien d’humain et imposeront avant 2050 un gouvernement mondial qui n’aura pour seul intérêt que celui des plus favorisés : humains « augmentés » n’ayant plus d’humain que la dénomination car ils auront pris soin de « s’augmenter » artificiellement s’ils veulent encore pouvoir exister en « conscience » sans se faire dépasser par l’IA et seront assistés par les sciences, les technologies et la finance à tout crin et à tout va.. 

Alors, l’humain, le petit, le fragile, non « augmenté » migrant ou non, qui se souciera même de son existence ? où sera-t-il « parqué » ? quel recoin de la planète encore viable lui sera-t-il réservé ? quels « droits humains » lui seront-ils encore reconnus et qui s’en préoccupera ?

Il faudrait donc l’avènement d’une conscience universelle qui se dégagerait à partir des consciences individuelles pour faire face aux évènements en cours ou à venir, et contrer les desseins inavoués et inavouables de structures "mondialisées" qui ne veulent pas nécessairement le bien de l'humain ou plutôt de l'humanité.

Faut il désespérer ? je ne sais pas mais nous devons être conscients des défis qui nous attendent et qu’il faudra surmonter si nous voulons que notre « simple » humanité telle que nous la vivons et la connaissons en l'an 2018 puisse encore exister au-delà des 2, 3 voire 4 prochaines décennies….

voici l’intégralité de l’article ci-dessous :  Le migrant est l’avenir du monde

Par Bertrand BADIE, professeur des Universités à l’Institut d’études politiques de Paris — 15 octobre 2018

A l’aube du troisième millénaire, les hommes d’Etat doivent imaginer une politique de migration pour que la Méditerranée cesse d'être un cimetière.

  • Le migrant est l’avenir du monde

Tribune. Le débat sur la migration est stupéfiant et pourtant il dure, s’enlise et même s’encastre dans l’ordinaire de notre culture politique contemporaine. Il paralyse l’Europe qui en parle tout le temps, mais n’en délibère jamais. Il envahit les propagandes partisanes et s’impose comme une sorte de friandise électorale dont se délectent les populistes de tous poils, de droite et maintenant d’une certaine gauche. Il tétanise les gouvernements qui craignent que le respect de la vérité ou qu’un sursaut d’humanisme ne leur vaillent une chute dans les sondages. Depuis le début de ce siècle encore tout jeune, 50 000 êtres humains sont morts au fond de la Méditerranée et l’imagination de la gouvernance humaine se limite à renforcer les contrôles, consolider « Frontex » ou désarmer l’Aquarius. Qu’est donc devenu le Conseil européen, incapable d’imaginer ce que pourrait être une politique de migration à l’aube du troisième millénaire ?

Un monde où tout le monde voit tout le monde

C’est pourtant bien de cela dont il s’agit : d’avoir le courage et la lucidité de penser une mondialisation dont tout le monde parle, sans jamais savoir la regarder en face et en tirer les conséquences. Nous sommes entrés dans un monde d’interdépendance et de communication généralisée pour lequel la mobilité des personnes est devenue un principe irréversible avec lequel il faut apprendre à vivre.

Nous sommes dans un monde où tout le monde voit tout le monde, ne cesse de se comparer à l’autre et de déployer un imaginaire qui est, cette fois, à la dimension de la planète tout entière. Un monde dans lequel nul ne pourra plus jamais se voir interdire de penser que la souffrance des siens pourrait être moindre ailleurs, un monde où l’absence d’avenir chez soi suscite l’espoir de trouver un correctif ailleurs. Un monde où l’humanité est, pour la première fois dans l’histoire, tributaire de la planète tout entière. Un monde où chacun des 7 milliards et demi d’humains est comptable autant que solidaire de tous les autres. Ainsi en est-il, personne n’en a décidé, sinon le mouvement d’une histoire dont nous restons, soit dit en passant, les privilégiés…

Besoin des autres

Ce changement majeur qui affecte la profondeur de nos visions et de nos comportements est une réalité vécue avec plus d’intensité encore lorsqu’on appartient au monde de la souffrance, celle-là même qu’on ne peut plus aujourd’hui privatiser ni rejeter dans des terrae incognitae qui n’existent plus. Guère davantage derrière les murs de la souveraineté incapables de résister à la communication moderne. Pourtant, la révolution n’est ni spectaculaire ni douloureuse : la part des populations migrantes n’est passée, en un demi-siècle, que de 2,2% à un peu plus de 3% de la population globale, sachant, en outre, que les migrations Sud-Nord ne représentent qu’un tiers des migrations totales !

Le pari est d’autant plus aisé à relever que les raisons positives d’intégrer les populations migrantes sont aussi nombreuses que tenues secrètes par nos politiques. Notre Europe vieillissante a besoin d’une population active renouvelée. Nos budgets sociaux ont besoin de ces actifs cotisants dont le régime de la clandestinité les prive. Celui-ci prospère en favorisant de manière scandaleuse passeurs et mafieux de tous genres dont il est agréable de penser qu’ils perdront leur emploi dans un contexte de gouvernance transparente des flux migratoires.

Mais surtout, nous avons besoin de ponts, de rencontres, de convergences et d’échanges culturels pour nous mettre au diapason de notre monde et de notre siècle. Ne nous trompons pas de pathologie : l’orthodoxie identitaire, l’archaïsme culturel, la crispation néo-nationaliste sont infiniment plus dangereux que l’ouverture au monde, que les transferts d’une culture vers l’autre qui ont invariablement permis d’amorcer les grands virages de notre histoire, comme de celle des autres…

Pour une gouvernance mondiale de la migration

Conservatisme et changement ont été les dilemmes permanents fabriquant en tout temps les choix qui façonnèrent notre monde. Le premier anime aujourd’hui une gigantesque vague populiste qui s’alimente d’une obsession identitaire, dénonçant les menaces «déferlantes» et les risques de «submersion». A coup de stigmatisations souvent grossières, ses concepteurs se réclament d’un ordre qui n’a rien à vendre dans un contexte mondialisé, sinon une vision hiérarchique des cultures, une apologie des ghettos et une vaste maçonnerie de murs en tous genres. Perspective idéale pour s’installer dans un monde habité de fondamentalistes triomphants, meilleur cadeau qu’on puisse offrir aux entrepreneurs de violence qui prospèrent sur la souffrance et l’humiliation subies par les plus faibles. La vieille droite y faisait son ordinaire, rejointe aujourd’hui par une ancienne gauche qui, en Allemagne, en France ou en Italie, espère ainsi sa part de gâteau électoral.

Le changement, quant à lui, ne peut évidemment pas ressortir d’une stratégie du cavalier seul. Il s’inscrit dans la mondialisation et l’œuvre multilatérale. La première n’est ni bonne ni mauvaise : elle sera ce qu’on en fera. Il est temps qu’elle s’inscrive dans un véritable humanisme. De même que celui-ci put peu à peu arracher la société industrielle montante à la brutalité de ceux qui l’entreprirent, il est urgent de suivre ceux – ONG, associations, agences onusiennes, acteurs individuels – qui s’escriment, souvent dans le silence et l’indifférence, à construire un monde plus humain, sachant que leurs victoires sont dès à présent, saisissantes.

Quant au multilatéralisme lui-même, arraché au chantage permanent des grandes puissances, il se doit d’aller vers ses missions sociales que ne cessait de rappeler Kofi Annan. Une gouvernance mondiale de la migration doit ériger un édifice institutionnel offrant un optimum d’avantages aux trois partenaires essentiels : migrants, sociétés de départ, sociétés d’accueil. Il doit créer des agences partout dans le monde pour concrétiser cet effort d’information, de formation, d’orientation et d’intégration qui sont le cheminement normal de la mobilité humaine au cours de ce troisième millénaire. C’est à nos dirigeants de jouer : qu’ils cessent un moment d’être des acteurs politiques pour être des hommes d’Etat qui pensent enfin l’avenir hors des contingences électorales. Alors peut-être la Méditerranée ne sera-t-elle plus ce cimetière anonyme qui aujourd’hui engloutit tous les espoirs et encourage toutes les lâchetés.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation